« Avis aux investisseurs »
Voilà qui résume de façon magistrale tout le propos d’Álvaro Uribe, le président bien aimé, dit-on. Les sondages sont, dit-on, très élevés, en sa faveur.
Álvaro Uribe, un partisan enthousiaste du libre-échange. L’équivalent de Stephen Harper dans l’hémisphère sud.
«Le libre-échange, a martelé M. Uribe, est une garantie de développement non seulement économique, mais aussi social.»
Comme si la réalité ne parlait pas d’elle-même.
Les effets dévastateurs sur les économies locales et sur le développement social sont clairement démontrés. Les pays ayant rejeté le libre-échange peuvent offrir de meilleures conditions de vie à leur population.
Même ici, on constate que le libre-échange tire nos salaires vers le bas et favorise la délocalisation des entreprises. C’est sans parler pour les pays « en éternel développement » de la dévastation de leur économie locale. L’agriculture des petits pays à la merci des puissances dominantes est anéantie. Seules les monocultures industrielles survivent et profitent aux oligarchies locales. Les petits paysans sont ruinés.
Le 1er février 2008, on titrait:
« Les paysans mexicains se mobilisent contre les effets du libre-échange »
http://www.ledevoir.com/2008/02/01/174174.html
Les paysans mexicains ne peuvent pas affronter, ni en prix ni en volume, la concurrence des produits américains. Et s’ils ne trouvent pas de débouchés viables pour leur production, ils grossiront les rangs des illégaux qui émigrent vers les États-Unis.
Les paysans ont mis en avant la menace qui se profile pour la production nationale de maïs et de haricot (à la base de l’alimentation des 106 millions de Mexicains) en adoptant le slogan «Sans maïs, il n’y a pas de pays, sans haricot non plus».
Voilà un des effets du libre-échange. Il crée des inégalités incroyables, il abaisse les salaires du monde entier pour favoriser le profit des prédateurs économiques et il ne profite qu’à ce que l’on peut appeler, l’oligarchie mondiale.
Avec le libre-échange, le monde entier glisse vers le contrôle oligarchique. Ce contrôle, ce joug dont plusieurs pays latino-américains ont réussi, de peine et de misère, à finalement s’affranchir (mais qui demeure une lutte constante).
L’oligarchie, celle dont fait partie Álvaro Uribe ainsi que la puissante famille Santos qui contrôle tout le pays, des médias à l’armée.
Le père d’Álvaro, Alberto Uribe Sierra, à l’origine simple fermier, aurait fait fortune en travaillant pour un clan du cartel de la drogue de Medellin, avant d’être assassiné en 1983 par les FARC. Ce qui explique, en partie, cette guerre à finir d’Álvaro contre les FARC. Les FARC qui eux voudraient bien déposer les armes et devenir un mouvement politique tout comme le Front Farabundo Marti pour la libération nationale (FMLN) du Salvador dont le représentant, Mauricio Funes vient d’être élu.
La Colombie n’a pas un dossier très reluisant concernant la démocratie et les droits humains. On s’attarde à dénigrer le Venezuela, la Bolivie, l’Équateur, l’Argentine et on masque médiatiquement les dérives répressives incroyables de la Colombie et du Pérou d’Alan Garcia.
(pour voir des images insoutenables des récentes tueries au Pérou:
http://www.radiomundial.com.ve/yvke/noticia.php?26124 )
La Colombie est le pays le plus dangereux du monde pour les syndicalistes. La Colombie se classe au premier rang de ce triste bilan: 49 syndicalistes assassinés en 2008 sur un total de 76 dans le monde. C’est comme le souligne M. Taillefer, 10 de plus que l’an dernier. Et ici, on ne parle pas du nombre de paysans tués.
À El Aro en 1997, 15 paysans avaient été exécutés selon les ordres d’Álvaro Uribe. C’est ce qu’a déclaré devant une Commission d’enquête au printemps 2008, Francisco Enrique Villalba, ex-chef des paramilitaires du département d’Antioquia, condamné à 33 ans et 4 mois de prison pour le massacre d’El Aro et à 37 autres pour celui de La Balsita.
Le 22 avril Mario Uribe, le cousin et associé politique du président colombien est arrêté.
http://www.lefigaro.fr/international/2008/04/24/01003-20080424ARTFIG00375-le-scandale-des-paramilitaires-colombiens-eclabousse-uribe.php
«Cinquante députés du parti du président Alvaro Uribe sont actuellement emprisonnés ou en procès pour leurs liens avec les narcotrafiquants» déclare Hollman Morris.
http://www.lecourrier.ch/index.php?name=NewsPaper&file=article&sid=439350
On peut écrire plusieurs livres sur les atrocités commises en Colombie. Un pays complexe où l’oligarchie est toujours en place et est toujours puissamment soutenue par les intérêts et l’armée US.
En 2008, l’aide financière des États-Unis à la Colombie s’est élevée à quelque 669,5 millions de dollars (Rapport 2009 Amnistie Internationale). 307 millions de dollars étaient destinés aux militaires.
On ne parle pas non plus, qu’Álvaro Uribe vise la présidence à vie. Il envisage toutefois se représenter pour la troisième fois à la présidence (deuxième fois de façon illégale puisque la constitution colombienne ne permet qu’un seul mandat).
Aucun référendum, aucune indignation médiatique. Alvaro se maintient au pouvoir en achetant les sénateurs de Colombie, c’est la démocratie qui est appréciée dans nos médias moraux.
«Alvaro Uribe, de Colombie, « en dictateur populiste », défie les lois de son pays»
http://www.centpapiers.com/alvaro-uribe-de-colombie-en-dictateur-populiste-defie-les-lois-de-son-pays/2594/
En mai 2006, Alvaro Uribe, soutenu par la classe politique néolibérale et néoconservatrice pro-américaine, grands propriétaires terriens, banquiers, politiciens et militaires d’extrême-droite, est réélu président de la Colombie avec 62% des voix (56% d’abstention).
http://www.republique-des-lettres.fr/10229-alvaro-uribe.php
Au printemps 2008, la Cour suprême de Colombie portait un dur coup au gouvernement d’Alvaro Uribe en demandant à la Cour constitutionnelle d’invalider l’amendement législatif qui modifiait la constitution pour permettre la réélection, en 2006, d’Alvaro Uribe, après la condamnation de la députée Yidis Medina. L’enquête ayant démontré que la réforme constitutionnelle a été obtenue de manière illégale.
Cependant, le 19 mai dernier, les sénateurs colombiens, 62 sur 102, ont approuvé la tenue d’un référendum constitutionnel qui lui permettrait de se représenter une troisième fois en 2010. Le Monde n’a cependant pas titré « Uribe: président à vie ».
Démocratie, droits humains et libre-échange, voilà un savant mélange qui nous perd complètement à tous les niveaux.
Serge Charbonneau
P.S.: Pour comprendre un peu plus le casse-tête colombien, M. Hollman Morris était de passage à Montréal en mars 2009. Il présentait le film
Un TÉMOIN INDÉSIRABLE (lui-même)
de Juan José Lozano