Crises
Pourquoi faut-il que les Etats payent 600 fois plus que les banques ?
| 02.01.12 | 16h00 • Mis à jour le 02.01.12 |
La Réserve fédérale a secrètement prêté aux banques en difficulté la somme de 1 200
milliards au taux incroyablement bas de 0,01 %.REUTERS/BRENDAN MCDERMID
Ce sont des chiffres incroyables. On savait déjà que, fin 2008, George Bush et Henry
Paulson avaient mis sur la table 700 milliards de dollars (540 milliards d’euros) pour sauver
les banques américaines. Une somme colossale. Mais un juge américain a récemment
donné raison aux journalistes de Bloomberg qui demandaient à leur banque centrale d’être
transparente sur l’aide qu’elle avait apportée elle-même au système bancaire.
Après avoir épluché 20 000 pages de documents divers, Bloomberg montre que la Réserve
fédérale a secrètement prêté aux banques en difficulté la somme de 1 200 milliards au taux
incroyablement bas de 0,01 %.
Au même moment, dans de nombreux pays, les peuples souffrent des plans d’austérité
imposés par des gouvernements auxquels les marchés financiers n’acceptent plus de prêter
quelques milliards à des taux d’intérêt inférieurs à 6, 7 ou 9 % ! Asphyxiés par de tels taux
d’intérêt, les gouvernements sont « obligés » de bloquer les retraites, les allocations familiales
ou les salaires des fonctionnaires et de couper dans les investissements, ce qui accroît le
chômage et va nous faire plonger bientôt dans une récession très grave.
Est-il normal que, en cas de crise, les banques privées, qui se financent habituellement à 1
% auprès des banques centrales, puissent bénéficier de taux à 0,01 %, mais que, en cas de
crise, certains Etats soient obligés au contraire de payer des taux 600 ou 800 fois plus
élevés ? « Etre gouverné par l’argent organisé est aussi dangereux que par le crime
organisé », affirmait Roosevelt. Il avait raison. Nous sommes en train de vivre une crise du
capitalisme dérégulé qui peut être suicidaire pour notre civilisation. Comme l’écrivent Edgar
Morin et Stéphane Hessel dans Le Chemin de l’espérance (Fayard, 2011), nos sociétés
doivent choisir : la métamorphose ou la mort ?
Allons-nous attendre qu’il soit trop tard pour ouvrir les yeux ? Allons-nous attendre qu’il soit
trop tard pour comprendre la gravité de la crise et choisir ensemble la métamorphose, avant
que nos sociétés ne se disloquent ? Nous n’avons pas la possibilité ici de développer les dix
ou quinze réformes concrètes qui rendraient possible cette métamorphose. Nous voulons
seulement montrer qu’il est possible de donner tort à Paul Krugman quand il explique que
l’Europe s’enferme dans une « spirale de la mort ». Comment donner de l’oxygène à nos
finances publiques ? Comment agir sans modifier les traités, ce qui demandera des mois de
travail et deviendra impossible si l’Europe est de plus en plus détestée par les peuples ?
Angela Merkel a raison de dire que rien ne doit encourager les gouvernements à continuer la
fuite en avant. Mais l’essentiel des sommes que nos Etats empruntent sur les marchés
financiers concerne des dettes anciennes. En 2012, la France doit emprunter quelque 400
milliards : 100 milliards qui correspondent au déficit du budget (qui serait quasi nul si on
annulait les baisses d’impôts octroyées depuis dix ans) et 300 milliards qui correspondent à
de vieilles dettes, qui arrivent à échéance et que nous sommes incapables de rembourser si
nous ne nous sommes pas réendettés pour les mêmes montants quelques heures avant de
les rembourser.
Faire payer des taux d’intérêt colossaux pour des dettes accumulées il y a cinq ou dix ans ne
participe pas à responsabiliser les gouvernements mais à asphyxier nos économies au seul
profit de quelques banques privées : sous prétexte qu’il y a un risque, elles prêtent à des
taux très élevés, tout en sachant qu’il n’y a sans doute aucun risque réel, puisque le Fonds
européen de stabilité financière (FESF) est là pour garantir la solvabilité des Etats
emprunteurs…
Il faut en finir avec le deux poids, deux mesures : en nous inspirant de ce qu’a fait la banque
centrale américaine pour sauver le système financier, nous proposons que la « vieille dette »
de nos Etats puisse être refinancée à des taux proches de 0 %.
Il n’est pas besoin de modifier les traités européens pour mettre en oeuvre cette idée :
certes, la Banque centrale européenne (BCE) n’est pas autorisée à prêter aux Etats
membres, mais elle peut prêter sans limite aux organismes publics de crédit (article 21.3 du
statut du système européen des banques centrales) et aux organisations internationales
(article 23 du même statut). Elle peut donc prêter à 0,01 % à la Banque européenne
d’investissement (BEI) ou à la Caisse des dépôts, qui, elles, peuvent prêter à 0,02 % aux
Etats qui s’endettent pour rembourser leurs vieilles dettes.
Rien n’empêche de mettre en place de tels financements dès janvier ! On ne le dit pas assez
: le budget de l’Italie présente un excédent primaire. Il serait donc à l’équilibre si l’Italie ne
devait pas payer des frais financiers de plus en plus élevés. Faut-il laisser l’Italie sombrer
dans la récession et la crise politique, ou faut-il accepter de mettre fin aux rentes des
banques privées ? La réponse devrait être évidente pour qui agit en faveur du bien commun.
Le rôle que les traités donnent à la BCE est de veiller à la stabilité des prix. Comment peutelle
rester sans réagir quand certains pays voient le prix de leurs bons du Trésor doubler ou
tripler en quelques mois ? La BCE doit aussi veiller à la stabilité de nos économies.
Comment peut-elle rester sans agir quand le prix de la dette menace de nous faire tomber
dans une récession « plus grave que celle de 1930 », d’après le gouverneur de la Banque
d’Angleterre ?
Si l’on s’en tient aux traités, rien n’interdit à la BCE d’agir avec force pour faire baisser le prix
de la dette. Non seulement rien ne lui interdit d’agir, mais tout l’incite à le faire. Si la BCE est
fidèle aux traités, elle doit tout faire pour que diminue le prix de la dette publique. De l’avis
général, c’est l’inflation la plus inquiétante !
En 1989, après la chute du Mur, il a suffi d’un mois à Helmut Kohl, François Mitterrand et aux
autres chefs d’Etat européens pour décider de créer la monnaie unique. Après quatre ans de
crise, qu’attendent encore nos dirigeants pour donner de l’oxygène à nos finances publiques
? Le mécanisme que nous proposons pourrait s’appliquer immédiatement, aussi bien pour
diminuer le coût de la dette ancienne que pour financer des investissements fondamentaux
pour notre avenir, comme un plan européen d’économie d’énergie.
Ceux qui demandent la négociation d’un nouveau traité européen ont raison : avec les pays
qui le veulent, il faut construire une Europe politique, capable d’agir sur la mondialisation ;
une Europe vraiment démocratique comme le proposaient déjà Wolfgang Schäuble et Karl
Lamers en 1994 ou Joschka Fischer en 2000. Il faut un traité de convergence sociale et une
vraie gouvernance économique.
Tout cela est indispensable. Mais aucun nouveau traité ne pourra être adopté si notre
continent s’enfonce dans une « spirale de la mort » et que les citoyens en viennent à détester
tout ce qui vient de Bruxelles. L’urgence est d’envoyer aux peuples un signal très clair :
l’Europe n’est pas aux mains des lobbies financiers. Elle est au service des citoyens.
Michel Rocard est aussi le président du conseil d’orientation scientifique de Terra
Nova depuis 2008. Pierre Larrouturou est aussi l’auteur de « Pour éviter le krach
ultime » (Nova Editions, 256 p.,15€)
Michel Rocard, ancien premier ministre, et Pierre Larrouturou, économiste
Article paru dans l’édition du 03.01.12
Pourquoi la dette de la France ne sera jamais remboursée
Avez-vous déjà entendu parler de l’article 104 du Traité de Maastricht ? Si ce n’est pas le cas,
vous feriez bien de vous y intéresser. Il est passé inaperçu dans les médias, et pourtant il ne
date pas d’hier…
Cet article – devenu l’article 123 du Traité de Lisbonne – stipule que les Etats membres de la
Communauté européenne n’ont plus le droit d’emprunter auprès de leur banque centrale, mais sont
dans l’obligation d’emprunter auprès de banques privées, moyennant de très forts intérêts.
Auparavant, les prêts accordés aux nations concernées n’étaient pas assujettis à l’intérêt, seul le
montant net de l’emprunt était remboursé.
Depuis, les banksters ont pris le contrôle d’une grande partie de la « création monétaire », en accord
avec les personnages politiques censés nous représenter, nous protéger, dans tous les sens du
terme.
Résultat : les banques privées en question génèrent des profits colossaux grâce à nos impôts ! Et
la dette publique ne cesse de s’accroître inexorablement au fil du temps.
La France est surendettée et ce n’est rien de le dire (déficit officiel : 2 000 milliards d’euros !) Si c’était
une société privée, elle aurait déposé le bilan depuis bien longtemps. Donc, pour combler les trous
dans les caisses, pour paraître cette grande, prospère et puissante nation qu’elle fut jadis,
la France réclame aux banques privées des fonds, qu’elle obtient immédiatement, car l’affaire est
juteuse pour les créanciers. Faute de pouvoir équilibrer la balance budgétaire année après année, elle
doit emprunter à nouveau. Primo pour faire fonctionner le pays, secundo pour rembourser le montant
du précédent prêt, tertio pour rembourser les intérêts de ce dernier, d’un pourcentage indécent. Et
ainsi de suite… C’est un cercle vicieux infernal ! Et cette arnaque engendre un effet inflationniste
néfaste in fine.
Evidemment, cet article figure dans le Traité de Lisbonne, ou dans le « Traité simplifié » (*). Vous savez
ce traité que nos représentants politiques désirent imposer coûte que coûte, qu’on le veuille ou non.
Ils n’imaginent pas une seconde se débarrasser d’une telle aubaine qui a profité durant des décennies
aux petits copains des lobbies financiers.
Dans la vidéo ci-dessous Etienne Chouard – lors d’une conférence à l’Institut d’études politiques d’Aixen-
Provence – explique comment nos dirigeants ont mis en oeuvre ce système financier qui
rend exsangue l’économie de certains pays européens. La dette n’est pas un sort du destin, ou due à
de malencontreuses erreurs politiques. Ceci a été conçu et entretenu afin entre autres d’enrichir les
nouveaux seigneurs à l’insu des citoyens.
Je pense que pour ceux qui croient encore que nos dirigeants politiques – qui se passent le relais
depuis des décennies – incarnent des êtres responsables et altruistes, élus pour le bien du peuple,
pour ces gens-là, le réveil risque d’être brutal. La démocratie est morte depuis longtemps, il faut se
rendre à l’évidence…
(*) Et il ne s’agit « que » de l’article 123 du Traité de Lisbonne. Je vous laisse imaginer la myriade
d’articles et stratégies qui vont à l’encontre du pragmatisme et de la raison (OGM, lois liberticides…), à
l’encontre du peuple, seul souverain en démocratie (étymologiquement et théoriquement parlant).
Par la loi Pompidou-Giscard d’Estaing du 3 janvier 1973, la Banque de
France a abandonné son rôle de service public. Pompidou, ancien
Directeur Général de la Banque Rotschild, a retiré à la France son
pouvoir régalien de battre monnaie.
Article 25 : « Le Trésor public ne peut plus présenter de ses propres
effets à l’escompte de la Banque de France. ».
Désormais, le Trésor Public ne peut plus emprunter directement à la
Banque de France à un taux d’intérêt faible ou nul. Résultat: La
mainmise des banques dans le financement des états.
NB: Le Federal Reserve Act voté aux Etats-Unis le 23 décembre 1913 est
l’équivalent de la loi de 1973.
Source : http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/2011/01/06/2362275_la-revolutiondemocratique-
islandaise-comme-reponse-a-la-crise.html
L’Islande mène une révolution sans précédent depuis la « crise » bancaire qui a ravagé les économies
mondiales. Pour se faire une idée de ce qui s’y passe, voici un petit résumé:
– 1er acte: la « crise » frappe durement le pays. Premières réactions: les trois principales banques du pays,
très sévèrement jugées pour leur gestion irresponsable, sont nationalisées, et la droite au pouvoir,
accusée d’avoir laissé faire les banques au nom du libéraslime économique, est chassée, suite au siège
pacifique du palais présidentiel.
– 2ème acte: un gouvernement de centre-gauche est élu pour le remplacer. Mais face à la volonté de ce
gouvernement d’appliquer la même politique que la droite (à savoir, faire porter la dette des banques par
le contribuable – dette dûe à deux pays européens, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ), le peuple se soulève
à nouveau, et décide de soumettre cette décision à un referendum populaire.
– 3ème acte: à 93%, les Islandais refusent de payer pour les erreurs commises par des banques privées. Et
ils n’en restent pas là: ils chassent le gouvernement de centre-gauche qui était de l’avis contraire, et
décident de former une Assemblée constituante. L’objectif est de réécrire la Constitution, afin de protéger
le peuple : tout doit désormais être fait dans l’intérêt du peuple, et non dans celui d’un contexte extérieur
néfaste pour le pays.
La perte de crédibilité des hommes politiques islandais est totale, et le peuple confie la rédaction de cette
nouvelle Constitution à des personnes issues de ses rangs: on ne fait plus confiance aux partis et aux
anciennes figures de la politique, qui se voientde facto exclues de la vie politique. Des élections sont
organisées, plus de 500 candidats se proposent de rédiger la nouvelle Constitution, 25 sont élus
démocratiquement.
– 4ème acte (à suivre): les 25 Constituants doivent proposer un texte d’ici l’été, qui sera à nouveau
discuté, avant d’être approuvé.
Superbe leçon de démocratie, à opposer aux discours anxiogènes que les politiciens français distillent dès
qu’il s’agit de remettre en cause leur petite cuisine. Aucune fortune islandaise n’a fui le pays, l’Islande ne
s’est pas isolée du monde, bien au contraire: le peuple islandais a pris son destin en mains, en cessant de
croire aux agitateurs de catastrophe qui lui prédisait l’abysse.