AFRIQUE: Des fonds en moins, des vies perdues
JOHANNESBURG, 28 mai 2010 (PLUSNEWS) – A mesure que les bailleurs réduisent les fonds accordés aux programmes de lutte contre le VIH et le sida, les progrès accomplis depuis de nombreuses années dans le domaine des traitements du VIH sont compromis et les vies des personnes séropositives sont de plus en plus menacées, selon un nouveau rapport de l’association caritative médicale Médecins sans frontières (MSF).
Améliorer l’accès aux traitements antirétroviraux (ARV) a permis de sauver des vies, de réduire la fréquence de la tuberculose et les nouvelles infections au VIH, et a renforcé les systèmes de santé de nombreux pays durement touchés par le VIH. Mais à mesure que les fonds diminuent, ces progrès sont désormais compromis, d’après le nouveau rapport publié par MSF, intitulé No Time to Quit: HIV/AIDS Treatment Gap Widening in Africa Pas le moment d’abandonner : le manque de traitements pour le VIH/SIDA s’aggrave en Afrique.
Le manque de financements a déjà entraîné une rupture des stocks de médicaments et un rationnement des traitements dans huit pays d’Afrique, dont la plupart ne sont aujourd’hui plus en mesure d’adopter les thérapies antirétrovirales améliorées préconisées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pouvait-on lire dans le rapport.
« Environ 75 pour cent des fonds consacrés au VIH dans les pays en développement sont internationaux ; on ne peut pas remplacer cela à court terme », a déclaré Mit Philips, analyste des politiques de la santé chez MSF, qui a coécrit le rapport.
« Pour mettre en ouvre ses plans de lutte contre le VIH, même l’Afrique du sud, un des pays les plus riches de la région, devra également compter sur l’aide internationale ».
Désengagement des bailleurs
La décision récente, prise dans le cadre du Plan d’urgence du président des Etats-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR), de maintenir les fonds au même niveau qu’en 2009 et de réduire les allocations budgétaires annuelles au cours des années à venir, a déjà contraint les cliniques financées par le PEPFAR en Afrique du Sud à commencer à refuser des patients.
UNITAID, le mécanisme international d’achat de médicaments, doit aussi supprimer progressivement le financement de médicaments : le Zimbabwe, le Mozambique, la République démocratique du Congo (RDC) et le Malawi n’auront plus de fonds, d’ici à 2012, pour financer l’achat de leurs ARV de deuxième intention, des médicaments coûteux.
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a commencé à accepter les candidatures en vue de la série 10 de financement, mais pour la première fois, ces financements ont été plafonnés, un signe inquiétant que la crise des subventions est sans doute loin d’être terminée.
« Une trahison morale »
Le docteur Eric Goemaere, coordinateur médical de MSF en Afrique du Sud, a qualifié le désengagement des bailleurs de « trahison morale ». « Il y a plusieurs années, les pays de cette région [Afrique australe] n’étaient pas sûrs d’avoir les moyens de financer les traitements, mais on la communauté internationale leur a dit « Fixez-vous des objectifs ambitieux, nous vous donnerons les fonds pour les atteindre » », a-t-il dit à IRIN/PlusNews.
« Si cette tendance en matière de financement se confirme, j’appelle ça une trahison morale … vis-à-vis des patients, à qui nous avons dit d’être courageux et de se faire dépister, car nous allions les soigner ; vis-à-vis du personnel de santé, qui a réussi à faire en sorte que plus de quatre millions de personnes s’inscrivent pour bénéficier d’un traitement, et à qui l’on demande tout d’un coup de ne plus inscrire les patients ».
Selon les prévisions du rapport, si cette tendance à la réduction des fonds se maintient, il deviendra de plus en plus difficile de se procurer des ARV ; les taux de mortalité et d’hospitalisation augmenteront alors chez les personnes atteintes du VIH, et les systèmes de santé, déjà fragiles, seront mis à rude épreuve.
Les patients sous ARV risquent également d’avoir recours à des stratégies dangereuses pour faire face à la pénurie de médicaments, comme le partage des comprimés, ce qui ne servira qu’à augmenter le risque d’une résistance générale aux traitements, a averti le rapport.
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