29.04.2010, 15h08
« Professeur Antanas, sauvez la patrie ! », hurle un homme dans un parc en bord de mer à Buenaventura, principal port colombien sur le Pacifique, où Antana Mockus, l’un des deux favoris dans la course à la présidentielle en Colombie, a donné rendez-vous aux habitants.
Candidat du Parti Vert, Antanas Mockus l’emporterait au deuxième tour de la présidentielle, le 20 juin, selon les trois derniers sondages.
Dans ce pays encore en proie à un conflit armé, l’apparence du candidat surprend un peu. Il arbore une barbe en collier et des petites fleurs de tournesol autour du cou. Il tient souvent un crayon à papier à la main, symbole de son combat pour l’éducation.
A chaque réunion, le « prof » –il est mathématicien– parle comme un prêtre, invitant les gens à retrouver la « confiance » et une morale plus stricte dans laquelle s’inscrit sa dénonciation de la corruption.
Mercredi à Buenaventura, il maintient cette stratégie qui semble pour l’instant la clef de son succès face au dauphin autoproclamé du président sortant Alvaro Uribe, l’ex-ministre de la Défense Juan-Manuel Santos (Partido de la U, droite).
« En Amérique latine, il y a une norme que tout le monde respecte: on ne frappe pas sa mère », lance Mockus devant des étudiants de la ville portuaire, l’une des plaques tournantes du trafic de drogue, où le taux d’homicide est de 41 pour 100.000 habitants, soit presque dix fois celui des pays européens.
Cette « norme » s’appuie sur trois piliers « la loi, le sentiment de faute et la honte », explique cet ex-maire de Bogota (1995-1997 puis 2001-2003) avant de longuement s’exprimer sur la nécessité pour la Colombie de comprendre que « la vie est sacrée ».
Puis, Mockus ponctue la réunion d’exercices collectifs, invitant l’assistance à répéter doucement avec lui « l’union fait la force » ou encore « je respecte la vie ».
« J’aime la manière dont il critique la réalité colombienne », explique une étudiante venue l’écouter, Maria del Pilar Cabezas, 22 ans.
« Il a les pieds sur terre », renchérit son amie Ingrid Mosquera, 20 ans.
« Sa force, c’est l’humilité », dit encore Paul Olmedo, 21 ans.
Il y a encore un mois, Mockus ne dépassait pas la barre des 10% d’intentions de vote et suscitait tout au plus la sympathie attendrie de ses concurrents.
Désormais, il pourrait être le prochain président de la Colombie, pays de 46 millions d’habitants grand comme la France et l’Espagne réunies, partageant des frontières avec cinq autres nations sud-américaines, comptant deux guérillas encore actives, plusieurs groupes paramilitaires, des dizaines de narcotrafiquants et des milliers d’hectares de champs de coca.
« Le narcotrafic créé de la méfiance et la méfiance c’est l’enfer », dit Antanas Mockus à l’AFP. « Les gens doivent, purement et simplement, s’y opposer ».
« Il faut une nouvelle culture. Il y a en Colombie des villes où l’on tolère davantage le trafiquant que le drogué », ajoute le candidat.
Son programme repose presque exclusivement sur le maître-mot de « confiance » qui doit, selon lui, permettre aux Colombiens de faire preuve de volonté pour s’opposer à la culture mafieuse.
Selon ses proches, ce professeur de mathématiques puise son inspiration dans la philosophie kantienne et les théories du sociologue allemand Jürgen Habermas. Mais son message est clair et bien relayé par son site sur Facebook, qui compte 460.000 membres.
Son action dans le domaine des relations internationales, par exemple, sera guidé par un principe simple: « il faut être prêt à rencontrer des êtres humains différents ».