HAÏTI: A la recherche désespérée d’une porte de sortie
NEW YORK, 9 avril 2010 (IRIN) – Le gouvernement américain autorise l’entrée de nombreux ressortissants étrangers sur son territoire pour « des raisons humanitaires urgentes ou pour le bénéfice de la société ». Lors de la guerre froide, les États-Unis ont ainsi accordé un visa temporaire pour raison humanitaire (‘humanitarian parole’, en anglais) à des milliers de réfugiés d’Indochine, de Cuba et d’autres pays fuyant, pour la plupart, un régime communiste.
Toutefois, depuis le tremblement de terre du 12 janvier, le gouvernement a accordé le visa humanitaire à peu d’Haïtiens. Le 18 janvier, le Département de la Sécurité intérieure (DHS) a déclaré qu’il allait octroyer, au cas par cas, le visa humanitaire aux enfants dont la procédure d’adoption par des citoyens américains était en cours.
Ce visa a été accordé à un petit nombre d’Haïtiens ayant des besoins médicaux importants, notamment à Jenny Alexis, un bébé de deux mois découvert sous les décombres d’un appartement de Port-au-Prince quatre jours après le tremblement de terre. Évacuée vers Miami par avion sans l’accord du gouvernement américain, elle a pu être soignée. Ses parents ont ensuite obtenu le visa humanitaire pour la rejoindre. Au total, plus de 1 000 Haïtiens se sont vus accorder ce visa depuis le tremblement de terre.
« Le nombre de visas humanitaires accordés est dérisoire vu l’ampleur de la catastrophe », a déclaré Ira Kurzban, un avocat de Miami spécialiste d’Haïti depuis les années 1970.
En février, une loi a été introduite dans les deux chambres du Congrès. Elle prévoit l’octroi du visa humanitaire à 55 000 Haïtiens dont la demande d’immigration avait été acceptée avant le tremblement de terre, mais qui risquaient de patienter plusieurs années avant de pouvoir entrer au États-Unis.
Yvette Clarke, députée à la Chambre des représentants, a dit à IRIN que les électeurs d’origine haïtienne de sa circonscription de Brooklyn se plaignaient « depuis des années » de la lenteur du processus d’immigration et insistaient sur la nécessité de l’accélérer. Les lois ont été introduites bien que l’accord du Congrès ne semble pas être indispensable pour que le gouvernement Obama agisse. Le 8 mars, huit membres du Congrès ont ainsi écrit à Janet Napolitano, la secrétaire à la Sécurité intérieure du gouvernement Obama, pour demander au DHS de faire usage de son autorité dans le cas de ces 55 000 Haïtiens.
Aide à la reconstruction
Les Haïtiens pourraient participer à la reconstruction en envoyant de l’argent dans leur pays d’origine. « Cela peut être mis en ouvre sans que le gouvernement américain ne débourse un centime », a dit Steve Forester, de l’Institut pour la Justice et la Démocratie en Haïti. « Environ 500 000 personnes recevront ainsi de l’argent à Haïti. Un Haïtien qui travaille ici peut subvenir aux besoins de 10 personnes à Haïti, parfois plus, parfois moins. L’un des objectifs majeurs est d’accélérer le rétablissement du pays. Ne devons-nous pas faire tout ce qui est en notre pouvoir pour y arriver ? »
« Nous ne voyons tout simplement pas l’intérêt de les laisser vivre à Haïti cinq ou 10 ans de plus dans une situation désastreuse », a déclaré Shaina Aber, directrice adjointe du Service jésuite des réfugiés (JRS) à Washington, D.C. « Leur force, c’est qu’ils pourraient envoyer de l’argent en Haïti ».
« Un Haïtien qui travaille ici peut subvenir aux besoins de dix personnes à Haïti, parfois plus, parfois moins. L’un des objectifs majeurs est d’accélérer le rétablissement du pays. Ne devons-nous pas faire tout ce qui est en notre pouvoir pour y arriver » La question a été abordée avec le vice-président Joe Biden après une rencontre avec les représentants de la communauté haïtiano-américaine à Miami le 5 avril dernier. « Après la réunion, je suis allée le voir et je lui ai expliqué que c’était un des meilleurs moyens pour le gouvernement Obama de participer au redressement du pays », a dit Marleine Bastien, fondatrice et directrice exécutive de Fanm Ayisyen Miyami (Femmes haïtiennes de Miami), une organisation communautaire. Selon elle, M. Biden a appris avec intérêt que la proposition était soutenue par les membres des partis républicain et démocrate du sud de la Floride siégeant au Congrès. « Il a dit : » Je vais me pencher sur la question » », a dit Mme Bastien. « Il s’est montré très réservé. J’espère que cette conversation ne restera pas lettre morte. »
Les défenseurs d’Haïti font également pression pour qu’une politique plus généreuse soit mise en ouvre en matière de délivrance de visa humanitaire aux personnes en danger de mort et qui pourrait donc concerner des centaines de milliers de personnes. Jayne Fleming, avocate des droits humains à San Francisco, s’est rendue à Haïti avec une équipe d’avocats et de médecins en mars pour s’entretenir avec les personnes qui pourraient bénéficier de cette politique. Ils ont rencontré des veuves dans l’incapacité de nourrir leurs enfants, des orphelins ayant de la famille aux États-Unis, des personnes ayant des besoins médicaux très importants et un nombre effrayant de victimes de viol. Mme Fleming doit à nouveau se rendre à Haïti ce mois-ci pour finaliser les demandes d’immigration de 52 de ces personnes.
« Il y a des personnes qui risquent de mourir ici si elles ne quittent pas le pays », a-t-elle dit. « Nous pensons que ces personnes-là devraient bénéficier du visa humanitaire ».
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