Fidèle aux postes. François Brottes. Spécialiste des sujets techniques et infatigable ferrailleur, le député PS de l’Isère se prépare au débat sur la Poste.


Fidèle aux postes
portrait :  François Brottes. Spécialiste des sujets techniques et infatigable ferrailleur, le député PS de l’Isère se prépare au débat sur la Poste.

Par CATHERINE MAUSSION

Quelle drôle d’idée que de faire le portrait de François Brottes ! Il n’est pas pipole, pas bling-bling, il ne polit pas de petite phrase qui fait le tour du landerneau-barnum médiatique. Il est juste député (PS) à l’Assemblée nationale. Mais de ceux qui cachent un lit dans leur placard. Distingué comme le député le plus actif (sur 577 élus) en 2008. A peine a t-on franchi le seuil de son petit bureau au palais Bourbon qu’il embraye, avec sa diction précise et son débit de mitraillette : le statut de la Poste, EDF, les antennes mobiles, la fracture numérique du territoire… Ses combats du moment. En bras de chemise, la fenêtre grande ouverte, il tire à petites bouffées pressées sur son cigarillo. S’excuse et l’éteint vivement, avant de vous demander s’il peut reprendre…
Si l’on a choisi de s’arrêter sur le cas Brottes, c’est qu’il est devenu, notamment sur les services publics, une figure incontournable. A l’Assemblée, s’entend. Parce que cet homme-orchestre met la sourdine, à deux pas de là, rue de Solferino, la maison du PS. Sauf pour Razzy Hammadi, le jeune secrétaire national aux services publics, son alter ego au parti et qui surréagit à l’idée du portrait : «Fabuleux, je l’adore ! Dommage que personne ne le connaisse.» Ils se parlent tous les jours, par SMS du moins, mais quand on demande à Hammadi à quel courant du PS le député peut bien appartenir, c’est une vraie colle : «Motion A ? Motion B ?» François Brottes, lui, se dit «fabiusien». On n’en saura pas plus.

Le plus beau compliment lui vient de la droite. De Patrick Ollier, président (UMP) de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée, un «pays», originaire comme lui de l’Isère : «C’est un homme généreux, loyal.» Seul regret : «Qu’il ne soit pas à l’UMP !» Ce qui l’impressionne : «Sa force de travail. Il n’est jamais pris en défaut !» Et, ce qui ne gâte rien, «il est d’une vivacité, d’une réactivité étonnantes. Probablement le député le plus rapide dans les interventions !». Si bien, que «quand il lève la main, c’est toujours un problème». Et Ollier de s’inquiéter par avance de la bagarre imminente sur le changement de statut de la Poste.

A 53 ans, Brottes entame son troisième mandat de député. André Labarrère, le sénateur-maire de Pau, aujourd’hui décédé, lui avait donné ce conseil : «Pour ton premier mandat, tu t’occupes de ta circonscription.» Sinon, pas de réélection. François Brottes dit qu’il s’est «assis dessus», lui préférant le conseil donné par un autre routier de l’Assemblée : «Si tu veux faire du bontravail au Parlement, tu prends un sujet et tu le fais à fond.» Depuis, il en a accroché un tas à son répertoire. Loi d’orientation forestière, télécoms, énergie, privatisation de GDF… Il dit qu’aujourd’hui, «si un député n’en sait pas plus que la technostructure, il ne fait plus de politique». Et il met en garde : «Si on limite demain le nombre de mandats, c’est la technostructure qui va prendre le pouvoir !»

Son intérêt pour la Poste, et les télécoms à l’ancienne, il le doit à sa grand-mère : «Il fallait que tout le monde soit fonctionnaire !» Le grand-père est à la SNCF, le père plante des poteaux à EDF avant de monter comme agent de maîtrise, la marraine est à la Poste. Dans sa génération à lui – il est l’aîné de cinq enfants -, il y a, s’excuse t-il «moins de service public». Juste sa sœur, enseignante.

Né à Valence, élevé à Romans, la capitale de la chaussure, François Brottes débute très tôt dans la politique. A 13 ans, il fréquente les cathos de gauche. «On allait dans les quartiers difficiles. Je jouais de la guitare.» Il touche très vite la limite des «bonnes actions» : «Il faut être lucide. Les mômes dans les cités, ils ne cherchaient qu’à vous « emprunter » vos pièces de monnaie.» Entre charité de proximité et solidarité avec les grandes causes, il choisit vite le second terme. «J’étais dans la provoc, le défi.» Il se fait sortir d’une église au moment de la prière universelle. «J’avais demandé que l’on prie pour les victimes du colonialisme français à Djibouti !»

Délégué de classe, lycéen activiste, objecteur de conscience… Il décroche le bac «à l’arrache», grâce à son père: «Il m’a fait comprendre que ça pouvait me servir.» Provoc et déjà pressé. A juste 18 ans, il est papa. Et fier de l’être. Il réfléchit au prénom en montant les marches de la mairie pour la déclaration à l’état civil. Pour épouser la mère, enceinte, il a dû demander, parce que mineur, une dérogation à ses parents. Deux ans plus tard, il a un deuxième enfant. «Il ne fallait pas que le premier s’ennuie.» Ce sont des années de «petite galère», confie-t-il.

Etudiant en psychologie à Montpellier, il fait la nuit des ménages à la Trésorerie générale de la ville. Bientôt, il lâche psycho pour une formation courte d’animateur social. Puis se met «à rêver au journalisme», décroche un stage à Radio France Isère et devient animateur-producteur. Le soir, il milite, opte pour le PS, frappe à la porte de la section de Crolles, et se fait élire adjoint à la mairie, à 27 ans. En devient maire à 39. Député à 41. Et comme si cela ne suffisait pas, il décroche, en janvier dernier, la présidence du Grésivaudan, 49 communes, plus de 100 000 âmes.

François Brottes est infatigable. Bernard Faure, aujourd’hui son adjoint à la mairie, et son voisin d’en face, se souvient «du bruit qu’il faisait la nuit, quand il retapait sa maison», à son arrivée à Crolles, il y a trente ans. Là, quand il voit de la lumière, il se dit que «peut-être François se pose enfin et s’occupe de ses photos». A 4 heures, c’est lever pour attraper le premier TGV pour Paris.

Est-ce à cause de son activisme qu’il a divorcé ou s’est séparé à trois reprises ? François Brottes reconnaît volontiers que sa vie personnelle, «est réduite à la portion congrue». Le week-end ? Il parcourt la circonscription :«Plus deux heures de voiture entre les extrêmes.» Le dimanche, peut-être ? «Oui, il me reste le dimanche après-midi.» Son adversaire aux législatives, Michel Savin (UMP) dit de lui qu’il y a deux Brottes, le Brottes «mordant», bien ancré à gauche à l’Assemblée, et celui qui laboure sa circonscription,«de contact facile, et toujours civil», mais qui met la politique dans sa poche : «Je ne suis pas sûr que ses électeurs s’y retrouvent.»

Aujourd’hui, François Brottes s’inquiète de ce qu’est devenu, au fil des réformes impulsées par la droite, le travail législatif : «Maintenant, avec la limitation du temps de parole et celle du droit d’amendement, le temps nous est compté. Cela a durci les positions.»Certains se souviennent de combats homériques, telle «la privat’» de GDF en 2006. Quatre semaines d’une rude bataille, et Brottes en général en chef d’une armée héroïque de près de 130 000 amendements… «Ah, ce qu’il nous en a fait baver», se souvient Patrick Ollier.

En 6 dates
31 mars 1956 Naissance, à Valence.
1974 Se marie. Naissance de Caroline, suivie de Jean-Xavier en 1977 et de Pauline en 1985.
1979 Adhère à la section PS de Crolles (Isère).
1983 Elu maire-adjoint de Crolles.
1997 Député de l’Isère.
Novembre 2009 Débat parlementaire sur le statut de la Poste.

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