AFGHANISTAN: Le coût de l’insécurité nuit au travail des humanitaires – analyse


KABOUL, 15 juillet 2009 (IRIN) – Les véhicules blindés, les escortes armées, les murs résistants aux explosions et autres mesures de sécurité ont rendu le travail humanitaire en Afghanistan plus coûteux et plus risqué que jamais, selon certains analystes.

Avec la généralisation des attaques et des menaces, la circulation des convois humanitaires et la protection du personnel et des installations sont également devenues des mesures onéreuses qui posent un défi aux organisations humanitaires.

« Vu l’insécurité qui règne dans certaines régions du pays, le PAM [Programme alimentaire mondial des Nations Unies] a dû prendre des mesures supplémentaires pour assurer la sécurité du personnel et garantir la distribution de la nourriture, et ces mesures ont des coûts associés », a dit Susannah Nicol, la responsable de l’information du PAM à Kaboul, à IRIN.

En 2008, 30 attaques contre les convois d’aide alimentaire du PAM ont été recensées, ce qui représente une perte de 1 200 millions de tonnes de nourriture, soit environ 700 000 dollars américains. Jusqu’à présent, cette année, 12 attaques ont été rapportées, privant les populations de 42 millions de tonnes de nourriture, a indiqué le PAM.

Autrefois rares, les attaques contre les convois humanitaires dissuadent de plus en plus de chauffeurs de camions commerciaux de transporter des cargaisons vers le sud et l’est de l’Afghanistan – des régions reconnues pour leur instabilité. Les chauffeurs qui continuent de le faire demandent plus d’argent, une escorte armée et l’absence de signe distinctif permettant de les identifier.

Un chauffeur privé a confié demander deux fois plus qu’il y a deux ans pour transporter des cargaisons d’aide vers la province de Kandahar, dans le sud du pays.

« Les frais pour transporter les cargaisons de nourriture dans les régions considérées par les Nations Unies comme des ‘zones interdites’ peuvent être très élevés. Les coûts élevés garantissent cependant que l’aide du PAM se rend à destination », a ajouté Mme Nicol. Le PAM vient en aide à plus de sept millions de bénéficiaires dans l’ensemble du pays.

Facteurs de coûts

Tandis que de larges pans du pays sont considérés par la plupart des organismes comme des zones interdites, particulièrement dans le sud et l’est, le recours de plus en plus courant à des véhicules blindés, des enceintes barricadées et des restrictions sur les déplacements a également eu un impact sur les activités dans les zones relativement sécurisées, comme à Kaboul, où plusieurs organisations recommandent l’utilisation de véhicules blindés pour les déplacements de leur personnel.

Des douzaines de véhicules blindés – coûtant chacun plus de 100 000 dollars – ont été importés par des organisations d’aide internationales au cours des dernières années. Selon les agents des douanes, les papiers pour l’importation de douzaines d’autres sont actuellement en traitement.

Certaines organisations, comme le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), préfèrent toutefois éviter de les utiliser.

« Les véhicules blindés sont coûteux et entrent en contradiction avec la nature de notre travail », a dit Patrick Hamilton, chef adjoint de la délégation du CICR, à IRIN, ajoutant que l’organisation avait plutôt tendance à chercher à obtenir des garanties de sécurité pour ses employés et ses activités par le biais de négociations avec les parties au conflit et les communautés d’accueil.

Mais, selon des spécialistes, il est extrêmement difficile, voire impossible pour d’autres organisations humanitaires d’imiter le modus operandi du CICR.

Selon Antonio Donini, du Centre international Feinstein (FIC), un organisme international de recherche sur des questions humanitaires, la convention sociale entre les travailleurs humanitaires, les communautés locales et les combattants a rapidement été abandonnée à cause de perceptions et de malentendus de plus en plus importants.

« La capacité des organisations humanitaires à répondre à des besoins urgents est compromise par des facteurs internes et externes, notamment par l’organisation et le modus operandi des organisations sur le terrain et par un environnement de travail extrêmement instable et dangereux », a indiqué M. Donini dans une note d’information, en mars dernier.

Risques pour les populations locales

L’insécurité a restreint la capacité et la volonté de nombreuses organisations d’aide internationales d’envoyer leurs employés dans des zones instables. Par conséquent, certains ont cherché à recruter des locaux pour gérer des programmes et mettre en ouvre des projets. Il s’est également avéré difficile d’envoyer des Afghans qualifiés dans ces provinces.

« Il existe de nombreux exemples de postes annoncés pour lesquels on offrait des salaires très intéressants – plus élevés que dans d’autres régions [plus sécurisées] – mais les candidats sont rares pour les emplois basés dans des provinces instables », a dit à IRIN Hashim Mayar, directeur adjoint de ACBAR, un organe fédérateur qui regroupe environ 100 ONG (organisations non gouvernementales) locales et internationales ouvrant en Afghanistan.

« Les gens ne veulent pas risquer leurs vies en travaillant pour des ONG dans des provinces instables », a-t-il ajouté.

Selon certains observateurs, dans plus de la moitié du pays, les missions d’évaluation se font par voie aérienne à cause des restrictions sur les déplacements routiers, même à bord de véhicules blindés – ce qui entraîne des coûts supplémentaires.

« Les vols sont évidemment beaucoup plus chers que les missions par la route », a indiqué M. M. Mayar.

Selon une étude de cas menée conjointement par Overseas Development Institute, Integrity Watch Afghanistan et Humanitarian Policy Group, le manque d’accès direct pousse certains organismes d’aide à mettre en ouvre des projets « commandés à distance », qui rendent l’action humanitaire vulnérable à la mauvaise gestion et à la corruption.

Bâtir un consensus

Selon un rapport du Secrétaire général des Nations Unies, 2009 sera une année sombre pour les civils et les travailleurs humanitaires. Avec l’intensification de l’insécurité, les organisations humanitaires devront inévitablement revoir leurs procédures de sécurité et appliquer les mesures qui s’imposent pour atténuer le problème.

Le CICR dit vouloir continuer à éviter de faire usage d’escortes armées et à montrer son emblème et ses références impartiales. « Nous cherchons à obtenir la sécurité par l’acceptation et le soutien des populations locales », a indiqué M. Hamilton.

D’autres, incluant M. Donini, recommandent aux organisations humanitaires de négocier un « consensus humanitaire » avec toutes les parties au conflit et les pays voisins, comme l’ont fait les Nations Unies dans les années 1980 et 1990.

« Des mesures immédiates devraient être prises afin de bâtir une relation de confiance avec toutes les parties au conflit », a indiqué M. Donini.

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