Sarajevo, mon amour (Jovan Divjak)


Jovan Divjak, Sarajevo, mon amour ; entretiens avec Florence La Bruyère, Paris, Buchet Chastel, 2004.

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En novembre de cette année, cela fera déjà 10 ans que les accords de Dayton ont été signés. Ces derniers signifiaient la fin de la guerre en Bosnie et la partition de fait et de droit du pays, par la création de deux entités. Mais cela n’a pas résolu tous les problèmes de la Bosnie. Maintenant que le pays est vraiment divisé, son économie est au point mort et sans l’aide économique et militaire de l’Union Européenne, on peut raisonnablement douter de la stabilité du pays. Il convient dès lors de s’interroger sur son avenir, la Croatie voisine ayant commencé à négocier son entrée dans l’Union tandis que la Serbie se cherche encore une orientation politique. Bref, les géographes ont encore du travail et plusieurs colloques traiteront du sujet, l’un à la Sorbonne les 7 et 8 juin 2005, l’autre à Sarajevo du 28 au 30 novembre 2005.

Jovan Divjak nous conduit à un autre type d’approche du problème bosniaque. Il nous convie à une odyssée intérieure de la Bosnie et plus particulièrement de Sarajevo. Ancien général d’origine serbe de l’armée fédérale puis de l’armée mixte de Bosnie-Herzégovine, l’Armija, Jovan Divjak nous livre ses souvenirs, ses opinions, ses craintes et ses espoirs quant à la Bosnie. Au long d’une série d’entretiens avec Florence La Bruyère, le général Divjak nous livre son histoire, ses origines, nous conte la Yougoslavie de Tito, sa réalité, ses ambitions, ses contradictions. Il nous présente Sarajevo, la Jérusalem des Balkans, ville mixte s’il en est.

Il nous raconte ensuite comment la guerre s’est préparée, comment les bosniaques et Alija Izetbegovic ont toujours espéré dans un règlement pacifique sans voir que Milosevic d’abord et Tudjman soudoyé par le même Milosevic allaient se partager le pays. Les premières heures du conflit, la visite de Mitterrand, le siège de Sarajevo, la fin de la guerre, Divjak nous raconte son périple, son action, à travers ces événements. Ses espoirs et ses désillusions aussi quand il se fait finalement écarter d’une armée de moins en moins mixte. Il nous fait revivre le siège de Sarajevo, le secret du tunnel, la vie de ses habitants, leur condition identitaire, et dénonce les attitudes extrêmes de certains. Il porte ensuite un avis partisan sur les acteurs du conflit, Milosevic, Karadzic, Mladic, Tudjman, Izetbegovic et n’épargne pas les Casques Bleus.

Enfin, Jovan Divjak nous livre ses impressions quand à l’avenir de la Bosnie, la nécessité du travail de la mémoire, de donner confiance à une jeune génération privée de parents. Rencontré en avril et novembre 2004, il conserve le même discours et œuvre pour l’avenir des écoliers même si le message doit passer par l’exercice du poirier ! Un grand monsieur, un livre touchant, bien documenté, agréablement illustré, nous rappellent que les nationalismes destructeurs sont toujours à l’œuvre et comment ceux-ci ont réussi à transformer un pays uni en une mosaïque conflictuelle. Les géographes y trouveront de nombreux documents et un cadre pour expliquer la crise, et un autre point de vue de cet épineux problème géopolitique qu’est l’avenir de la Bosnie.

Compte-rendu : Julien Vandeburie

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