Bras de fer avec les Serbes de Bosnie : la visite de Boris Tadi? à Banja Luka envenime la situation


Slobodna Evropa

Bras de fer avec les Serbes de Bosnie : la visite de Boris Tadi? à Banja Luka envenime la situation

Traduit par Vanessa Pfeiffer
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Publié dans la presse : 23 juin 2009
Mise en ligne : samedi 27 juin 2009
La récente visite du Président serbe Boris Tadi? à Banja Luka en plein conflit entre les autorités serbes de Bosnie et le Haut représentant Inzko a provoqué un tollé en Fédération. Tous les leaders politiques sont montés au créneau pour dénoncer un acte politique qui fait craindre le pire : que Belgrade tienne toujours les ficelles de la politique de Republika Srpska et que l’on se dirige vers une partition de la Bosnie-Herzégovine. De retour à Belgrade, Boris Tadi? a rejeté en bloc ces accusations.

Par Dženana Halimovi? et Iva Martinovi?

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Boris Tadi? et Milorad Dodik à Banja Luka

La visite inattendue du Président de la République de Serbie, Boris Tadi?, à Banja Luka a divisé l’opinion en Bosnie-Herzégovine. Même si Boris Tadi? a rappelé qu’il ne souhaite pas que sa visite soit perçue comme visant à influer sur la vie politique en Bosnie-Herzégovine, ses déclarations ont justement été ressenties comme telles hors de Republika Srpska. Après que le Haut Représentant Valentin Inzko a fait retirer une résolution votée par l’Assemblée de Republika Srpska, Boris Tadi? a rappelé que la Serbie n’acceptait pas la contrainte pour résoudre les points de discorde.

Haris Silajdži?, membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine, a critiqué l’attitude de la Serbie vis-à-vis du respect des accords de Dayton tout en soulignant que son Président actuel faisait preuve d’ingérence en se permettant des commentaires sur des décisions qui ne concernent pas la Serbie.

« Il représente la partie signataire qui s’est engagée à ne plus agresser la Bosnie-Herzégovine, non pas celle qui se porte garante de la paix et du respect des accords de Dayton. La Serbie n’est pas garante de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine, comme l’a affirmé le président Boris Tadi?. Ce sont avant tout nous qui en sommes garants, puis la Charte des Nations Unies et ensuite les normes fondamentales du droit international. Et de telles déclarations violent ces normes. La Serbie les viole. Enfin, s’agissant du Bureau du Haut-Représentant (OHR) et de la Serbie, on ne peut vraiment pas laisser empiéter dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine. Le message de Boris Tadi?, qui ne soutient pas l’utilisation des pouvoirs de Bonn, n’est pas acceptable. »

Lors de sa visite, Boris Tadi? a rencontré uniquement les représentants des partis politiques serbes de Republika Srpska, ce qui a éveillé des doutes supplémentaires sur le soutien dévoué de Boris Tadi? à la Republika Srpska, le respect des accords de Dayton et l’intégrité de la Bosnie-Herzégovine.

À cette occasion, s’est également exprimé le cabinet de de la présidence croate de Bosnie-Herzégovine. Irena Kljaji?, conseillère du représentant Željko Komši?, a déclaré que « Željko Komši? a jugé la visite du président serbe à Banja Luka, comme une ingérence nationaliste classique dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine, ce qui confirme que Boris Tadi? n’a pas beaucoup évolué par rapport aux plans de l’Académie des sciences et des arts serbes et donc de l’objectif de « Grande Serbie ». Sa convocation des leaders serbes et des représentants des partis politiques de Republika Srpska à la réunion de Banja Luka va dans le sens de cette idée. »

L’Union social-démocrate (SDU) de Bosnie-Herzégovine partage cette opinion, estimant qu’il s’agit de s’immiscer dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine. Pour le vice-président du SDU Miro Lazovi?, cette visite jetait le discrédit sur la tête de l’État serbe et qu’elle illustrait le duplicité du discours de la Serbie à l’égard de la Bosnie-Herzégovine. « D’un côté, Boris Tadi? répète constamment qu’il est pour l’intégrité totale et la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, et de l’autre, il soutient ouvertement la politique de Milorad Dodik, qui, dans certains segments, porte justement atteinte à cette intégrité et cette souveraineté », a-t-il expliqué.

Husein Nani?, député du Parti de l’action démocratique (SDA) et membre de la commission parlementaire pour la politique étrangère, a souligné qu’il n’est pas opportun que les Présidents des pays voisins s’impliquent et commentent les décisions prises en Bosnie-Herzégovine car « cela contribue à tendre la situation et cette tension au sein des relations politiques dans le contexte de la Bosnie-Herzégovine ne favorisera pas l’apaisement et l’amélioration de la situation dans le pays. Au contraire, cela donnera de faux espoirs et accroîtra l’ingérence dans les décisions des institutions en Bosnie-Herzégovine. »

Un soutien attendu en Republika Srpska

Les représentants des partis politiques de Republika Srpska ont soutenu la venue du Président serbe afin qu’il prenne part aux événements qui secouent la Bosnie-Herzégovine, et qui mettent en question les accords de Dayton. Pourtant, Dragan ?avi?, président du Parti démocratique de Serbie (DSS) « ne souhaite en aucun cas que la visite du Président Tadi? soit comprise comme une volonté d’influencer la vie politique en Bosnie-Herzégovine. »

Mais Milorad Dodik, Premier ministre de Republika Srpska et président du Parti social-démocrate indépendant (SNSD), a exprimé la position des autres partis politiques de l’entité serbe. « Nous sommes heureux de savoir que la Serbie, en tant que garant des accords de Dayton, reste attachée à ces accords et au consensus, dans le cadre de la Bosnie-Herzégovine, sur toutes les questions. C’est justement ce que j’ai entendu, et c’est que je souhaitais entendre, de la part du Président serbe. Il porte une attention particulière à l’intégrité territoriale, à la souveraineté et à la position internationale de la Bosnie-Herzégovine. Il souhaite normaliser les relations de la Serbie, non pas uniquement avec la Republika Srpska mais avec la Bosnie-Herzégovine dans sa totalité. »

Le Parti social-démocrate (SDP) de Bosnie-Herzégovine, formation citoyenne, critique dans son communiqué de presse la manière dont le Président serbe a réagi à propos de la décision du Haut Représentant. De même, le communiqué rappelle que la souveraineté et l’intégrité de la Bosnie-Herzégovine ont été choisies avant Dayton et qu’elles ne sont en aucun cas en rapport avec ce que veut, souhaite et fait la Serbie ».

Belgrade rejette toutes les accusations

Les représentants du pouvoir à Belgrade rejettent les accusations venues de Bosnie-Herzégovine selon lesquelles le président serbe, Boris Tadi?, s’est immiscé dans des affaires internes à ce pays. Les analystes politiques, cependant, avertissent que de telles expériences réveillent les tensions, et remettent en question les déclarations de Boris Tadi? selon lesquelles la Serbie est garante des accords de Dayton.

Jelena Trivan, membre du Parti démocratique de Boris Tadi?, a affirmé que sa visite confirme juste la position de la Serbie par rapport à la Bosnie-Herzégovine. « Je pense que la visite du président serbe a été abusivement utilisée dans les dissensions politiques intérieures de la Bosnie-Herzégovine. Le Président serbe, par sa visite, son action et ses positions, a seulement contribué à aider à la résolution de questions internes à la Bosnie-Herzégovine. Cela rentre dans le cadre d’une communication naturelle et normale entre la Serbie, la Bosnie-Herzégovine et la Republika Srpska. Il est indiscutable que la Serbie entretient des relations particulières avec la Republika Srpska. »

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Aleksandar Vu?i?

Même si la Serbie, par des accords bilatéraux, est spécialement liée à la Republika Sprska, et par là même, avec tous les peuples qui y vivent, Boris Tadi? n’a rencontré à Banja Luka que les représentants des partis serbes. Alors que les hommes politiques libéraux et les analystes politiques en Serbie ont averti que cette visite et la critique de la décision du Haut Représentant ne peuvent que raviver la crise en Bosnie-Herzégovine, certains partis ont demandé à Belgrade de réagir également à l’échelle internationale. « Le pouvoir en Serbie doit discuter, de façon urgente, avec tous les acteurs internationaux importants suite au rejet de la décision prise en Republika Srpska, et doit avertir que les accords de Dayton ne peuvent être remis en cause », a déclaré Aleksandar Vu?i?, membre du Parti radical serbe (SRS) de Tomislav Nikoli?. « L’un des piliers des accords de Dayton est la Republika Srpska. Vous ne pouvez pas faire abstraction des intérêts de la Republika Srpksa, toujours limiter ses compétences et en même temps vous opposer et appeler au respect des accords de Dayton », a-t-il ajouté.

À la question : « qui viole réellement les accords de Dayton ? », Žarko Kora? du Parti libéral démocrate (LDP) de l’opposition a déclaré : « Boris Tadi?, à l’occasion de sa visite à Banja Luka, n’a à aucun moment dit l’essentiel, c’est-à-dire ce qu’il pense des décisions de l’Assemblée de Republika Srpska. Il s’est tenu à une déclaration formelle, expliquant qu’il n’est pas bon que le Haut Représentant utilise les pouvoirs de Bonn, mais il n’a jamais dit si il pensait que la décision de la Republika Srpska va dans le sens d’une rupture des accords de Dayton et la poursuite de l’implosion de la Bosnie-Herzégovine. Cela est en accord avec la politique de ce gouvernement : Vuk Jeremi? défend le Kosovo, et Boris Tadi? donne son soutien à Milorad Dodik, politiquement en conflit avec Sarajevo, et maintenant avec le Haut Représentant ainsi que les représentants des autres partis politiques de Bosnie-Herzégovine. »

C’est à se demander si le gouvernement du Parti démocratique n’est pas en train de prendre le même chemin que l’ancien Premier ministre serbe, Vojislav Koštunica, dont le mandat n’a fait qu’envenimer les relations avec la Bosnie-Herzégovine. Il semble ainsi que les événements en Republika Srpska soient encore et toujours dirigés depuis Belgrade. Aleksandar Popov, directeur du Centre pour le régionalisme, pense que la visite de Boris Tadi? à Banja Luka, et ses critiques sur la décision de supprimer la résolution de l’Assemblée de Republika Srpska, sont de l’ingérence dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine, et demande à Belgrade de mettre un terme à ses mauvaises interventions : « Il existe déjà assez de courts-circuits entre Belgrade et Sarajevo depuis que Vojislav Koštunica a envoyé des messages qui avaient pu être mal interprétés. On dépasse toujours les limites, et on ne se dit pas ‘allez, voyons comment aller dans le sens d’une normalisation des relations et aider la Bosnie-Herzégovine à devenir en fin de compte un Etat fonctionnel’. »

Au moment même où le Président serbe se rendait à Banja Luka, le Président de la Republika Srpska, Rajko Kuzmanovi?, partait pour la Russie. La position des partis politiques de Republika Srpska sur la décision du Haut Représentant est attendue après ces visites.

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