« Vivre et mourir pour Srebrenica », un roman pour comprendre le 11 juillet 1995
- Promotion de « Vivre et mourir pour Srebrenica » le 15 juin 2009 à Sarajevo
De nombreuses personnes, dont les mères de Srebrenica, se sont réunies lundi 15 juin dans le café littéraire des éditions Connectum à Sarajevo pour assister à la présentattion du livre de Mihrija Fekovi?-Kulovi? Vivre et mourir pour Srebrenica (Živjeti i umirati za Srebrenicu), un roman historique basé sur les témoignages de survivants de Srebrenica.
Selon l’écrivain Safet Sijari?, qui a participé à la présentation, les gens ne savent rien de l’horreur de Srebrenica, surtout car leurs connaissances se basent sur des chiffres qui ne sont toujours pas fiables. « Ce roman ne concentre pas son attention uniquement sur les chiffres mais raconte également l’histoire de réels drames humains. Il tente de montrer le drame, non seulement de Srebrenica et de ses environs mais également de l’ensemble de la Bosnie orientale. Pour l’auteur, l’écriture de ce livre n’a pas été chose facile car d’une réalité chaotique, elle avait le devoir de raconter une histoire qui donnerait au public une vision claire et globale ».
- Mihrija Fekovi?-Kulovi?
À l’occasion de la présentation du livre, l’écrivain Jasmina Musabegovi? a exprimé son admiration pour l’auteur dans sa courageuse entreprise, ainsi que pour les mères de Srebrenica. Mihrija Fekovi?-Kulovi? a remercié les témoins, sans qui « le roman n’aurait pas de sens ». « Les habitants de Srebrenica m’ont fait part de leur histoire, courageusement et sans honte, ce qui fait d’eux des témoins crédibles. Bien que je pensais tout savoir sur Srebrenica, après avoir entendu les faits racontés par les survivants, je me suis rendu compte que ce n’était pas le cas. Ce roman décrit de la meilleure façon l’enfer de Srebrenica » a déclaré Mihrija Fekovi?-Kulovi?.
Le soutien de l’Ambassade de Suisse en Bosnie-Herzégovine a permis à ce livre d’être publié.
Mirhrija Fekovi?-Kulovi? présente Vivre et mourir pour Srebrenica
L’histoire commence le 11 juillet 1995. Srebrenica, ville bosniaque protégée par l’ONU et ses 400 soldats hollandais tombe dans les mains de général serbe Ratko Mladi?, connu pour sa cruauté extrême, et ses 30.000 soldats. Ils sont là pour faire un sale boulot et les habitants de cette ville le savent. Pris par la panique, ils comprennent qu’ils sont en danger.
Les 40.000 personnes entassées à Srebrenica originaires de toute la Bosnie orientale se retrouvent dans une situation sans issue. Que faire pour sauver les femmes, les enfants et les vieux ? Que faire pour sauver les blessés et les hommes qui ne combattent pas ? L’armée bosniaque est désemparée, elle ne peut offrir de protection à personne. Le combat pour la ville est perdu, il faut donc fuir. « Les femmes et les enfants direction Poto?ari… Les hommes et les garçons âgés de plus de 14 ans, la forêt » – décident les officiers de l’armée bosniaque en déroute.
Il faut faire vite. Les soldats serbes entrent dans la ville et commencent la tuerie. Les femmes, les enfants, les vieux et les hommes ; soit environ 25.000 personnes courent vers Poto?ari, base des soldats hollandais, en espérant pouvoir y bénéficier de leur protection. La majorité des hommes – dont la plupart sont des civils qui n’ont jamais porté un fusil – vont se dépêcher de retrouver la colline Buljim, qui va être le point de départ d’une colonne de 15.000 hommes et garçons. Ils vont essayer de se sauver en marchant par la forêt et les montagnes. Mais une centaine de kilomètres les sépare des territoires libres.
Zejna, Ševala, Azra, Dika, Hanka, Tima, quelques uns des personnages de ce roman, arrivent à Poto?ari, camp des hollandais, accompagnés de leurs enfants et du reste de leurs familles. Ces femmes ne se connaissent pas. Mais elles vont vivre l’insupportable, chacune de leur côté. Dans ce camp, elles tentent de se fondre dans la masse de ces 25.000 femmes, hommes et enfants, car elles sentent bien qu’elles ne vont pas pouvoir obtenir la protection des soldats de l’ONU. Le jour suivant, le 12 juillet, l’horreur s’installe dans les champs aux alentours de Poto?ari.
Le général Mladi? et ses soldats prennent possession du camp hollandais et agissent alors comme bon leur semble. Ils choisissent des hommes pour les amener dans les champs voisins où ils les assassinent sauvagement. Ils choisissent des jeunes femmes pour les violer et les égorger ensuite. Dès lors, comment devenir invisible, comment sauver votre vie et celles des êtres qui vous sont chers ? Comment garder votre sang-froid et votre raison quand la folie peut s’abattre à tout moment ? La panique, la peur brisent les nerfs de ces femmes. Un garçon de onze ans se cache dans les bras de sa mère. Il voit bien que les soldats séparent les garçons de son âge de leurs mamans. Il a le pressentiment que, lui aussi, va subir le même sort. Mais il agit ; il veut vivre.
Les femmes et les enfants vont être envoyés vers Kladanj, territoire tenu par l’armée bosniaque, mais à quel prix ? Ces femmes seront séparées de leurs maris, de leurs pères, de leurs grands-pères et de leurs fils âgés de plus de 12 ans. Pleines de détresse et de souffrance, leurs vies sont brisées à jamais. L’impuissance absolue et le courage de ces femmes exceptionnelles s’entremêlent. À Poto?ari les heures sont interminables. À chaque instant, une vie peut être anéantie. Il faut agir vite. Quoi ? Comment ? Les femmes se battent pour survivre juste avec leurs mains. Leur seule arme, c’est l’amour. Et avec lui elles font l’impossible ; elles parviennent à cacher quelques vieillards et quelques jeunes garçons.
Parmi les 15.000 hommes qui essaient de se sauver à travers la forêt et les montagnes, il y a Suljo, Safet, Šulc, Muradif et Redžo. Il y a aussi Ibiš, le vieux Mujo et Mehdin, un garçon de 14 ans. Cette colonne, cette ossature devient le seul lien entre eux, celui qui les rattache encore à la vie. Seul espoir de survie, elle devient pour eux une véritable « mère ». Car tant qu’ils en font encore partie, ils conservent une chance. Mais hors de cette colonne ils sont perdus et c’en est fini d’eux.
Mais cet espoir chavire. La colonne qui devait être celle de la vie se transforme vite en colonne de la mort. Elle est attaquée, brisée, dispersée. Presque anéantie. Des centaines d’hommes meurent, des centaines d’autres sont blessés et des milliers d’hommes se retrouvent perdus dans une nuit d’enfer. La panique, les cris, la folie s’installent parmi les civils. Ils ne font plus partie de la colonne. Petit à petit, ils se rendent aux soldats serbes et sont faits prisonniers qui proclament haut et fort qu’ils vont en finir avec eux, qu’ils vont les anéantir.
Suljo, Safet, Šulc, Muradif se raccrochent à la colonne brisée et marchent les pieds nus, assoiffés durant six jours et six nuits. Ils ont faim, ils sont exténués par des efforts surhumains, mais ils restent dans la colonne, qui, décimée au fil des jours ne compte plus que 2.000 hommes à l’arrivée. Redžo s’est rendu, mais il échappera et survivra à la liquidation massive des prisonniers. Mehdin, lui, sera libéré par un soldat serbe. Avant de rejoindre le territoire libre, tandis qu’Ibiš et grand-père Mujo vont errer dans les forêts et les montagnes autour de Srebrenica pendant deux mois.
Tout le chaos de Srebrenica est raconté à travers le vécu de ces personnages qui ne se connaissaient pas au départ et vont continuer à vivre des choses différentes. Leurs histoires s’entremêlent de page en page et de jour en jour, tandis que les événements se suivent chronologiquement. Dans le camp des victimes, il s’attendent à mourir à chaque instant…
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